Le réemploi : un levier éthique et politique pour refonder l’architecture ?


À l’occasion du lancement du projet Interreg REnversC, le philosophe Philippe Simay a proposé une lecture puissante et critique du réemploi dans l’architecture. Loin d’être un simple geste technique, il s’agit selon lui d’un acte de résistance à la société du gaspillage, et d’un outil de transformation écologique, sociale et culturelle.

En voici un résumé concis.

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Une critique du modèle dominant

Simay dénonce les violences écologiques et sociales inhérentes au modèle actuel du BTP : destruction de ressources, production de déchets, exploitation humaine. Il pointe l’absurdité de démolir des bâtiments encore viables pour des raisons purement économiques, au nom d’une logique marchande de rentabilité immédiate.

Une pratique éthique, fondée sur la sobriété

Le réemploi s’inscrit dans une architecture de subsistance, qui respecte les milieux et les humains. Il remet en cause l’idée même de « ressources naturelles », en soulignant qu’aucun matériau n’est une ressource par nature : c’est notre regard qui le transforme en tel.

Une continuité historique oubliée

Historiquement, le réemploi a toujours existé. C’est la construction neuve, standardisée et industrialisée, qui constitue l’exception. Simay appelle à revaloriser cet ancrage historique, et à refermer la « parenthèse industrielle » ouverte au XIXe siècle.

Attention aux dérives industrielles

Il alerte sur les dangers d’une massification aveugle du réemploi, qui en viendrait à reproduire les logiques extractivistes qu’il combat. Vocabulaire minier, standardisation, logique de catalogue : autant de signes d’une déterritorialisation contraire à l’esprit même du réemploi, qui devrait rester contextuel, inventif, relationnel.

Inverser la charge de la preuve

Aujourd’hui, ce sont les acteurs du réemploi qui doivent prouver que leurs matériaux sont sûrs. Simay dénonce cette inversion absurde, et propose que la norme soit inversée : c’est au neuf de justifier sa nécessité.

Un geste politique

Enfin, Simay replace le réemploi dans une histoire longue des pratiques de résistance. Il convoque la figure du chiffonnier de Walter Benjamin, qui récupère les rebuts du monde pour en révéler la valeur et la mémoire. Le réemploi devient alors une écologie du soin et de la justice matérielle, une manière d’habiter autrement, en refusant l’oubli et en revendiquant la dignité des choses.

En conclusion

Le réemploi n’est pas une alternative technique parmi d’autres : il est un choix politique, culturel et philosophique, une "protestation contre l’homo détritus, celui qui jette… mais aussi celui qu’on jette". Il nous invite à repenser notre rapport à la matière, au territoire et aux autres.