De 1850 à 1991, dans le nord de la France, les travailleurs de la mine et leurs familles étaient pris sous l’aile des compagnies minières : logement, école, soins de santé, etc. Un véritable package social en échange du labeur de mineur. Au fil du temps, singularité culturelle, la région érige même la location de l’habitat comme norme. Et le patrimoine est d’importance : 65.000 maisons rien que dans le Nord-Pas-de-Calais, gérées par « Maisons et Cités », l’ancien bras immobilier d’une compagnie minière.
Depuis quelques années, six de ces maisons, situées à Loos en Gohelle, Lens et Liévin se trouvent en transition, sans locataires. Elles doivent être profondément rénovées. Une occasion à saisir pour le gestionnaire immobilier, qui rentre dans le projet « Réhafutur », vitrine de démonstration et laboratoire de la rénovation durable lancé en 2012 par le pôle d’excellence régional cd2e et le cluster Ekwation. Les enjeux sont multiples : expérimenter des techniques de rénovation avec différents éco-matériaux, atteindre un standard très basse énergie voire passif, stimuler différents corps de métiers à travailler et à échanger dès le départ en équipe, récolter les bonnes pratiques et les généraliser. Le but recherché : étendre l’expérience à l’ensemble du bâti à rénover de la région, avec en priorité l’habitat minier, dans le cadre des politiques territoriales et régionales de réhabilitation.
« Ces 65.000 habitations devront être rénovées un jour. Et ce type de maison unifamiliale est habitée par 20 millions de personnes en France, il y a donc du potentiel. » Frédéric Laroche, du cd2e et du cluster Ekwation, maître d’ouvrage délégué pour le compte de « Maisons et Cités », n’hésite pas à aborder l’ambition derrière le projet « Réhafutur », celle de chantiers d’éco-rénovation du bâti ancien partout en France.
Revenons à nos 6 maisons de mineurs. Concrètement, un appel d’offre est lancé avec une demande aux professionnels de répondre en groupement de compétences (architecte, bureau d’études, paysagiste, maçon, électricien, menuisier…), afin de travailler ensemble dès la phase de conception. Originalité de la démarche : chaque maison sera rénovée par un groupement différent, avec des techniques différentes. Une méthode efficace au niveau de l’apprentissage des corps de métiers aux techniques d’éco-rénovation, peu répandue pour les bâtiments anciens en France.
Les maisons concernées, qui seront remises en location après les travaux, voient leur facture énergétique divisée par 4 et sont rénovées avec des matériaux d’origine naturelle, pour un coût seulement 20% supérieur à une rénovation « classique ». « Un coût qui descendra, en lien avec le volume croissant d’habitations à rénover dans le futur », assure Frédéric Laroche.
Malgré les techniques et matériaux divers mis en œuvre, le trio indispensable, isolation, étanchéité à l’air et ventilation performantes, est à chaque fois présent. L’isolation est procurée par des matériaux tels que le chanvre, le liège, la laine de bois. L’étanchéité à l’air est assurée par des enduits et des membranes spécifiques. La ventilation est gérée par une VMC simple flux. Elle fournit l’air frais par des clapets au sein des châssis double vitrage et évacue l’air vicié des pièces humides : salle de bain, WC et cuisine.
Le choix des éco-matériaux est dicté par des avantages solides : « En isolation intérieure, il faut absolument éviter la présence d’humidité entre le mur et l’isolant, cas fréquent dans ce type de rénovation. Et les matériaux naturels possèdent justement une régulation très performante de l’humidité. » Autres avantages : l’aspect sain, sans polluants contaminant l’air intérieur, mais également le coût environnemental très faible : « Il n’est pas rare que l’énergie totale utilisée pour fabriquer les matériaux d’isolation classique d’une habitation, corresponde à 20 années de chauffage. Cet impact est moindre avec les éco-matériaux, d’autant plus quand ils proviennent de circuits économiques courts. »
Si la sensation de bien-être ressentie dans une habitation rénovée avec des matériaux naturels est subjective, les chiffres sont une composante objective, apte à convaincre le plus grand nombre. « Chaque maison dispose de 8 capteurs intégrés, notamment dans les parois, permettant de monitorer entre autres la gestion de l’isolation et de l’humidité par les matériaux, les températures, l’étanchéité et l’hygrométrie. » Les résultats seront analysés par le laboratoire Génie Civil et géo Environnement de l’université d’Artois. Une garantie de sérieux quant aux données fournies, et une preuve scientifique des avantages ressentis.
Au-delà des techniques mises en œuvre, c’est l’articulation du projet, à la fois dans son partenariat multi-acteurs (un pôle d’excellence régional et un cluster, un bailleur social, des fédérations professionnelles, des partenaires techniques et financiers etc.), dans sa méthode de réalisation et dans ses perspectives de développement qui est remarquable. Des qualités qui méritent une extension bien plus large sur le territoire français, voire européen.
Type de bâtiment : Habitat individuel
Localité : Loos-en-Gohelle / Liévin / Lens (France)
Surface du bâtiment : 80 m² par maison
Date de construction initiale : 1920
Date de rénovation : 2015-2016-2017
Consommation énergétique Objectif BBC rénovation, soit <104kWh/m2/an
Architecte :
Lot 1 : LOGISTA + HOUYEZ
Lot 2 : AEH + GOUDESEUNE
Lot3 : SME + ELLIPSIS
Entreprise(s) ayant collaboré au projet
AMO : IMPACT CONSEILS ET INGENIERIE
Isolants utilisés et épaisseur
Toit :
Lot 1 : fibre de bois (20 cm)
Lot 2 : laine de bois (26 cm)
Lot 3 : laine de bois (20 cm)
Murs :
Lot 1 : fibre de bois projetée (10 cm)
Lot 2 : liège (10 cm) + béton de chanvre (10 cm)
Lot 3 : laine de mouton (10 cm)
Plancher :
Lot 1 : PSE (12 cm)
Lot 2 : PSE (8 cm)
Lot 3 : PUR (5 cm)